Nous voici près de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi Macron, dont l’un des objectifs était de moderniser le secteur des auto-écoles. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le marché de l’apprentissage de la conduite a vécu une véritable révolution, notamment avec l’apparition des « auto-écoles en ligne » et la dématérialisation des démarches. Néanmoins, tout n’a pas fonctionné comme prévu. Retour sur 3 ans de bonnes et mauvaises surprises.
Lundi 9 février 2015, plusieurs centaines de voitures-écoles prenaient d’assaut les grandes artères de Paris, Bordeaux, Marseille et Nancy afin de protester contre la réforme du permis de conduire, qui devait être examinée cette semaine-là, à l’Assemblée nationale. Trois ans plus tard, les deux volets successifs de la loi Macron sur l’apprentissage de la conduite en France ont profondément réorganisé le marché. À commencer par le passage du code qui, depuis juin 2016, est confié à cinq opérateurs privés (La Poste, SGS, Dekra, Pearson Vue et Bureau Veritas) pour un coût d’environ 30 euros, contre plus de 300 euros auparavant.
La mission des inspecteurs est depuis lors focalisée sur la conduite, ce qui doit permettre d’accélérer le passage du permis. Avec, là aussi, un certain succès, puisque d’une durée moyenne de neuf mois en 2015, le délai pour obtenir le précieux sésame a été réduit à cinq mois en 2016. Par ailleurs, d’après le ministère de l’Intérieur, l’attente pour pouvoir retenter sa chance après un premier échec est également passée de 93 jours en 2013 à 63 en 2016.
Visant à rendre l’examen plus accessible aux Français, la réforme portée par l’ancien ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, avait également pour objectif de faire baisser de manière significative le coût moyen du permis. Un coût alors estimé à 2 140 euros pour le code et 35 heures de conduite, selon UFC-Que Choisir.
L’arrivée des « auto-écoles en ligne »
Cette volonté de libéraliser le marché, qualifiée d’ « ubérisation » par les acteurs traditionnels, a ouvert la voie à la création de plusieurs « auto-écoles en ligne », arborant des modèles économiques plus souples que les écoles de conduite traditionnelles. Affichant des prix bien souvent divisés par deux – jusqu’à moins de 700 euros pour un forfait comprenant le code et la conduite -, ces établissements s’appuient sur la dématérialisation de plusieurs démarches comme l’apprentissage du Code de la route, la réservation de cours de conduite et l’inscription aux examens.
Si certains d’entre eux comme Ornikar et En Voiture Simone ont choisi un fonctionnement 100 % en ligne, avec des moniteurs indépendants et aucune présence physique, d’autres comme PermiGo et Auto-École.net ont opté pour un modèle hybride, faisant appel à des professionnels salariés et en assurant un accueil physique dans leurs agences.
Plus ou moins faciles à mettre en place, ces modèles n’ont pas toujours été synonymes de réussite : en 2015 et 2016, Ornikar et En Voiture Simone sont ainsi passés tout près de la faillite avant de sortir la tête de l’eau. En cause, la compétence territoriale de leur agrément préfectoral.
En avril 2017, la faute à une gestion plus que contestable, PermiGo a quant à lui été contraint de déposer le bilan et a été placé en redressement judiciaire, avant d’être racheté par le groupe Arcan. Une mésaventure qui aurait pu s’avérer dramatique pour les quelque 10 000 élèves concernés.
Dans ce marché en plein bouleversement, Auto-École.net est parvenue à tirer son épingle du jeu grâce notamment à une approche équilibrée et une assurance destinée à protéger ses élèves en cas d’imprévus – qu’elle est encore la seule à proposer. Avec plus de 100 enseignants salariés et une vingtaine d’agences agréées en France, l’auto-école au taux de réussite de 90 % au code a déjà formé 23 000 élèves et attire 1 000 à 1 500 nouveaux inscrits chaque mois, affirme son fondateur, Stanislas Llurens.
Dématérialisation : les préfectures dépassées
Fort de ses 45 000 utilisateurs payants, son principal concurrent, Ornikar, poursuit également son développement. La start-up nantaise espérait ainsi multiplier par six son chiffre d’affaires en 2017, visant 7 millions d’euros contre 1,2 million en 2016. Pour ce faire, son fondateur, Benjamin Gaigneault, comptait sur le second volet de la loi Macron, entré en vigueur le 1er janvier 2017, et qui confère aux candidats libres les mêmes droits et conditions d’accès à l’examen du permis que ceux présentés par les auto-écoles, tout en limitant le délai de présentation à l’épreuve pratique à deux mois. Malheureusement, cette mesure – censée être facilitée par la dématérialisation obligatoire des inscriptions – est pour l’instant loin de tenir ses promesses…
En service depuis à peine deux mois, la plateforme d’inscription en ligne de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) s’est heurtée à plusieurs bugs, qui ont grandement retardé l’enregistrement des candidats au permis. À tel point qu’au lieu d’accélérer le processus, les délais sont – dans certaines régions – rallongés de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, provoquant la colère des apprentis conducteurs comme des auto-écoles.
À Toulouse, Florian Jaegler, gérant de l’école de conduite Capitale-Daurade, déplore les approximations du nouveau système. « J’ai des clients qui se sont inscrits depuis deux mois et qui n’ont toujours pas leur numéro de dossier, affirme-t-il. Là où on travaillait 20 minutes sur un dossier, on passe 3 à 4 heures. »
En région parisienne, 2 000 à 3 000 dossiers seraient même complètement bloqués, d’après Bruno Garaucher, directeur du réseau ECF. « On est dans une situation catastrophique où des milliers d’élèves sont en attente de la réponse de l’ANTS pour savoir si leur dossier est complet ou pas. […] On n’a pas d’infos sur leur dossier, car ça ne remonte pas à cause du système informatique. » Devant l’ampleur de la situation, certaines préfectures ont même été obligées de réautoriser le recours au papier pour le dépôt des inscriptions au permis… En matière d’apprentissage de la conduite, la révolution du marché ne se fait décidément pas en douceur.
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