Auto-écoles en ligne : entre déboires et réussites

Décryptages
Depuis la loi Macron, le secteur des auto-écoles est en pleine mutation. Nouvelles règles, nouveaux outils, nouvelles méthodes, etc. L’application de cette loi a favorisé l’émergence de nouveaux acteurs utilisant tous, mais de différentes manières, les technologies du numérique. Et depuis cette libéralisation du secteur, un acteur en particulier a révolutionné le marché : auto-école.net. Quand d’autres, au contraire, ont connu des échecs cuisants. Retour sur un an de rebondissements dans le secteur de l’apprentissage de la conduite.

  Ce n’est un secret pour personne : la révolution numérique a profondément bouleversé le secteur des auto-écoles. Et ce, à une vitesse vertigineuse. Succès stories, déboires judiciaires, faillites… En seulement quelques mois, nous avons pu assister à toute une série d’évènements plus inattendus les uns que les autres et qui laissent parfois perplexes.

Comment en sommes-nous arrivés là ? En 2015, alors ministre de l’Économie, de l’Industrie et du numérique, Emmanuel Macron a souhaité libéraliser le secteur des auto-écoles dans le but de faciliter l’accès au permis de conduire, dont les coûts et les délais dépassaient l’entendement.

En 2015, il fallait neuf mois en moyenne pour passer le permis en candidat libre. Ce délai avait déjà été réduit à cinq mois en 2016 et le deuxième volet de la loi Macron, appliqué dès le 1er janvier 2017, fixait quant à lui à « deux mois le délai pour présenter un candidat libre à l’épreuve pratique du permis de conduire ». Et pour ce qui est des coûts, certains élèves se retrouvaient à devoir débourser parfois jusqu’à 2 000 euros pour financer leur formation… Une situation que notre nouveau président souhaitait changer.

C’est ainsi que la modernisation du permis et la libéralisation du marché des auto-écoles ont favorisé l’émergence « d’établissements 2.0 » tels que PermiGo, Ornikar, En Voiture Simone ou encore Auto-école.net. Chacun d’entre eux misait sur les nouvelles technologies pour faciliter l’apprentissage de la conduite tout en proposant des prix beaucoup moins élevés que ceux habituellement pratiqués par les auto-écoles traditionnelles : 750 euros pour un forfait comprenant le code et la conduite, contre plus de 1000 euros en moyenne chez les acteurs traditionnels.

 

Auto-école.net, un exemple de réussite

  Si tous les nouveaux entrants ont fait du numérique leur fer-de-lance, les nouvelles technologies n’ont pas été gage de réussite pour tout le monde. En effet, un seul d’entre eux a réellement su tirer son épingle du jeu : Auto-école.net.

L’école de conduite fondée par Stanislas Llurens et Olivier Boutboul est devenue en moins de trois ans le leader du secteur, dont la valeur totale est tout de même estimée à 2 milliards d’euros, et regroupe pas moins de 11 000 entreprises.

Hybride, le modèle d’Auto-école.net repose sur les technologies du numérique, mais pas que : l’école de conduite dispose en effet d’un réseau de 16 agences physiques déployées sur tout le territoire national et prévoit de nouvelles ouvertures d’ici fin 2017. Et contrairement à ses concurrents l’auto-école qui connaît plus de 100 % de croissance par an dispose de moniteurs salariés, 85 au total, à l’inverse d’Ornikar qui a fait, pour sa part, le choix d’être une simple plateforme de mise en relation entre élèves et moniteurs indépendants.

Grâce à son modèle flexible, la startup développe des services innovants comme le e-learning, la gestion des prises de rendez-vous et de l’examen par Internet ou encore la possibilité de prendre des cours dans plusieurs agences en fonction de la disponibilité du candidat.

Résultat : Auto-école.net se félicite aujourd’hui d’afficher un des meilleurs taux de réussite à l’examen (92 %) et de proposer une formation moins coûteuse que les écoles traditionnelles. Depuis sa création en 2014, elle a accueilli 20 000 élèves et dispense, chaque année, plus de 100 000 heures de conduite.

Mais si auto-école.net est une véritable succès story dans le secteur des auto-écoles en ligne, on ne peut pas en dire autant de tous ses concurrents qui ont, pour plusieurs d’entre eux, connu bon nombre de déboires dont certains se sont même avérer fatal.

 

Des startups prometteuses, mais fragiles

  L’un des exemples les plus criants est celui de l’auto-école en ligne, Permigo. La startup a en effet déposé le bilan en avril dernier, soit un peu plus de 2 ans après sa création, et a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon. PermiGo anticipait pourtant une « forte croissance de son chiffre d’affaires » en 2017 et croyait pouvoir enfin atteindre la rentabilité cette même année.

Seulement voilà. Après la décision du tribunal de commerce, pas moins de 5 500 élèves qui avaient payé d’avance leur permis se sont retrouvés sur le carreau. Leur seul espoir : le groupe Arcan, holding parisienne connue du secteur de l’apprentissage de la conduite, a été choisi pour reprendre la société lyonnaise. Le groupe devrait conserver les deux tiers des effectifs et reprendre les clients ayant prépayé leur formation.

Si les déboires qu’a connus Permigo lui ont été fatals, ce n’est pas la seule auto-école en ligne à avoir eu des démêlés avec la justice : de son côté, la startup En Voiture Simone avait été condamnée en juin 2016 à arrêter l’enseignement de la conduite en dehors de Paris. La société, qui soutenait que l’agrément préfectoral pour les auto-écoles était valable au niveau national et non pas uniquement au niveau départemental, est passée très près de la catastrophe : « nous allons essayer de faire appel le plus rapidement possible, mais nous sommes menacés de mort. Nous risquons de mettre la clé sous la porte, car nous n’avons pas les moyens de rembourser tous les élèves », déclarait alors la startup.

Et si En Voiture Simone a depuis été autorisée à reprendre l’enseignement de la conduite dans toute la France, « l’affaire n’est pas terminée ». Le jugement en deuxième instance a estimé que la valeur nationale ou départementale d’un tel agrément relevait d’un débat de fond, qui n’a pas encore eu lieu. En attendant, Philippe Colombani, président de l’Union nationale des indépendants de la conduite (Unic) se dit prêt à aller en cassation. « Nous n’allons pas nous contenter de cela », prévient-il. Affaire à suivre donc…

La libéralisation du secteur des auto-écoles a attiré bon nombre de « startupeurs », chacun cherchant à s’imposer grâce aux technologies du numérique. Mais force est de constater qu’un seul acteur y est parvenu et que pour d’autres, malgré leur enthousiasme, l’histoire n’a pas été aussi belle.