Sécurité routière : les plateformes numériques pointées du doigt

Reglementation

Si le nombre de morts a légèrement reculé en 2017, tous les autres indicateurs de l'accidentalité routière sont en hausse. Alors que les jeunes sont les plus touchés, la question de la formation à la conduite se pose tout particulièrement, notamment en raison de l’émergence des plateformes en ligne dans le secteur.

L'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) vient de publier ses chiffres définitifs pour l’année 2017 : 3 684 personnes ont perdu la vie sur les routes de France, soit un léger recul de 0,8 % par rapport à 2016. Mais il s’agit là de la seule « bonne nouvelle » du rapport.

Avec 1 091 cas supplémentaires (+ 1,9 % par rapport à 2016), la hausse des accidents corporels est préoccupante. Tout comme le nombre de blessés (739 cas supplémentaires, soit une progression de 1 %) et celui des hospitalisations (545 cas supplémentaires, soit + 2 %).

Cyclistes et motocyclistes sont les catégories d'usagers les plus vulnérables. Le taux de mortalité des premiers a bondi de 9 %, tandis que celui des seconds a progressé de 6,8 %. Quant aux facteurs d'accidentalité, la vitesse excessive ou inadaptée reste prépondérante. Viennent ensuite l'abus d'alcool, la conduite sous l'emprise de stupéfiants, le refus de priorité et l'inattention.

Des chiffres qui confirment ce que les analyses montrent depuis bien longtemps : loin d'être une fatalité, la plupart des accidents de la route sont évitables, d'où l'importance de réfléchir aux responsabilités humaines derrière les drames.

Alors que les jeunes de 18 à 24 ans constituent la tranche d'âge la plus touchée, la question de la formation à la conduite s'avère essentielle. En particulier depuis l'arrivée massive de nouveaux acteurs numériques dans le secteur.

Moniteurs indépendants

Alors qu'ils se présentent comme des « auto-écoles » en ligne, la plupart de ces nouveaux acteurs ne sont que des plateformes de mise en relation de moniteurs indépendants et jeunes apprentis. Un mode de fonctionnement qui leur permet de proposer des tarifs défiant toute concurrence, mais qui les empêche d'exercer le moindre contrôle sur leurs moniteurs et donc sur la qualité de la formation qu'ils dispensent.

Les professionnels qui collaborent avec ce type de plateformes « ne sont pas des moniteurs, mais des loueurs de voitures double commande », s’agacent Philippe Colombani, président de l'Union nationale des indépendants de la conduite (UNIC).

Un permis pas cher, au détriment de la sécurité ?

Les reproches de M. Colombani ne semblent pas être suffisamment clairs pour Benjamin Gaignault, CEO d'Ornikar, l'une des principales plateformes en ligne. « Un moniteur qui travaille avec Ornikar dispose de son outil de travail – sa voiture – et travaille à sa convenance. C'est-à-dire qu'il choisit où il veut enseigner, quand il le veut, et il a la possibilité de refuser un élève », explique le jeune entrepreneur, sans comprendre en quoi cela pourrait poser problème. Dans le paysage des nouvelles auto-écoles en ligne, seule Auto-école.net a recours à des moniteurs salariés. Une réalité qui fait de l’école de conduite « l'auto-école en ligne qui est le plus dans les clous », d’après Philippe colombani.

Car pour les auto-écoles traditionnelles, la chose est pourtant simple : « Notre job, c'est la sécurité. Eux, leur volonté est de faire du chiffre », résume dans La Dépêche du Midi, Sophie Adam, gérante d'une auto-école et représentante de l'UNIC dans le Tarn-et-Garonne. « C'est sûr qu'au niveau des contraintes, ils ne sont pas embêtés ! Alors que nous avons toute une série de contrôles pour continuer à exercer avec l'agrément renouvelable tous les cinq ans, ces sites ne disposent pas de bureau. Ils sont donc incontrôlables ! », s'alarme-t-elle.

Dans sa région, Ornikar propose toutes les leçons de code et de conduite au tarif imbattable de 750 euros. « C'est évidemment bien en dessous de nos standards, confirme Sophie Adam. Mais ce permis pas cher se fait au détriment de la sécurité ! ». Une affirmation qui doit faire réfléchir dans un pays où les 18-24 ans ont plus de chances de mourir dans un accident de la route que n'importe quel autre Français.