Transport routier : une autoroute pour la contrefaçon

Infractions

Le commerce de produits contrefaits explose, comme le démontre l'envolée des saisies opérées par les douanes en France et en Europe. Le trafic routier reste une voie privilégiée d'acheminement des contrefaçons vers leurs clients. Mais les seuls efforts des services douaniers ne peuvent venir à bout de ce phénomène mondial ; il s’agit avant tout de ne pas faciliter le travail des contrefacteurs et trafiquants.

Faux sacs Vuitton ou Chanel, faux polos Ralph Lauren... La contrefaçon n'est pas réservée aux produits de luxe, loin s'en faut. Tous les secteurs sont concernés par ce qui s'apparente à un véritable fléau économique et social : le prêt-à-porter, bien évidemment, mais également la santé, les produits ménagers, les cigarettes, les jouets, les logiciels informatiques et même les pièces détachées automobiles. Un phénomène amplifié par l’accélération des flux mondiaux. Ainsi, si elles avaient saisi 200 000 contrefaçons en 1994, les douanes françaises ont-elles mis la main sur 7,7 millions d'articles contrefaits durant la seule année 2015. Rappelons que les saisies ont été multipliées par trois entre 2004 et 2014 – des saisies parfois spectaculaires, mais qui ne représentent jamais que la partie émergée de l'iceberg.

Depuis 2004, dans l'Union européenne, les saisies douanières dépassent ainsi les 100 millions d'articles par an. Un commerce aussi illégal que florissant donc, qui pèserait, selon l'OCDE, entre 250 et 500 milliards de dollars. La contrefaçon représenterait près de 10% du commerce mondial et rapporterait davantage que les commerces de la prostitution et de la drogue réunis. Rien d'étonnant à cela, quand on sait qu'il s'agit d'une activité parmi les plus rémunératrices qui soient : pour un euro investi, les faussaires en obtiennent, en moyenne, dix en retour.

Echappant à toute légalité, comme à toute norme sociale ou de sécurité, les produits contrefaits représentent une menace bien réelle pour la santé de leurs clients potentiels – on pense aux médicaments contrefaits (2,6 millions de faux médicaments ont été saisis par la douane française en 2014), mais aussi aux jouets ne respectant pas les normes (300 000), aux pièces automobiles défectueuses, à la téléphonie mobile (300 000) ou encore aux produits alimentaires (270 000), etc. Ces produits représentent également un manque à gagner conséquent pour les producteurs légaux. Enfin, la contrefaçon détruit de l'emploi : chaque année en France, ce sont 40 000 emplois qui disparaitraient à cause d'elle.

La route, nouvelle voie royale de la contrefaçon

Ces produits contrefaits empruntent tous les moyens de transport existant pour être acheminés vers leurs clients. Parmi l'ensemble des voies d'acheminement, le transport routier semble avoir les faveurs des trafiquants. La voie terrestre représente désormais le deuxième moyen de transport des contrefaçons : en 2014, 1,3 millions de produits contrefaits ont ainsi été saisis par les douanes françaises, qui agissent parfois à la demande des entreprises, mais plus souvent encore lors de contrôles aléatoires. Comme lors de ce contrôle banal, par les douaniers de Dunkerque, d'un poids lourd transportant du matériel de bureau en provenance de Singapour. En ouvrant le camion, les policiers découvrent la bagatelle de 50 000 cartouches de cigarettes contrefaites qui, si elles n'avaient été interceptées, auraient arrosé le marché noir belge de plus de 10 tonnes de produits potentiellement bien plus dangereux que des cigarettes originales.

Si la plupart du temps les chauffeurs ne savent pas ce qu'ils transportent, d'autres travaillent main dans la main avec les mafias de la contrefaçon, qui redoublent d'ingéniosité pour dissimuler la marchandise contrefaite à l'intérieur des poids lourds. Pour ceux-là, la sanction peut s'avérer extrêmement sévère. Les conducteurs de bonne foi, eux, n'ont rien à craindre : la responsabilité du chargement repose sur le donneur d'ordre, qui s'engage à ne pas remettre au transporteur de marchandises illicites. Dans un secteur particulièrement fragilisé par la crise, ces consignes de sécurité sont, en général, suivies à la lettre par les différents acteurs. Mais la vigilance des conducteurs n'est pas sans failles, failles dans lesquelles continueront toujours de s’engouffrer les trafiquants.

Les incohérences de la politique contre le tabac

Alors que le trafic de produits contrefaits explose, s'en remettre à la vigilance des conducteurs et à celle des douaniers revient à détourner les yeux du problème. Toutes les solutions doivent être mises sur la table, à commencer par ne pas rendre le travail des contrefacteurs et trafiquants plus facile qu'il ne l'est déjà. C'est pourtant le chemin que l'on semble emprunter en ce qui concerne le marché du tabac : l'instauration prochaine du paquet neutre va faire fuir une partie des consommateurs des débitants de tabac. Surtout, elle va grandement faciliter la tâche des faussaires, qui n'en demandaient pas tant.

D'autre part, l'augmentation probable du prix du paquet dans les mois à venir va, mécaniquement, reporter une partie des consommateurs de cigarettes vers le marché noir ou, pour ceux qui le peuvent, vers les marchés transfrontaliers. Des reports de consommation qui pourraient également toucher d’autres secteurs comme l’alcool ou les produits alimentaires – le consommateur s’habituant à se fournir sur des marchés parallèles aux dépens de sa santé. En d'autres termes, le risque est grand qu'au nom de la nécessaire lutte contre le tabagisme, on favorise en creux le développement de marché parallèles en tout genre. Personne, ni les fumeurs, ni les pouvoirs publics, n'a intérêt à précipiter les consommateurs de tabac dans les bras des mafias, qui se moquent bien de la santé de leurs clients. A ce rythme, les camions remplis de cigarettes contrefaites n'ont pas fini de rouler.

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