Les automobilistes français ont une impression persistante : celle d’être traqués par des radars toujours plus nombreux et perfectionnés. Pourtant, si l’on observe les chiffres, la France n’est pas la nation la plus équipée en dispositifs de contrôle de vitesse.
Entre la multiplication des sanctions pour quelques kilomètres-heure de trop et la généralisation des dispositifs mobiles, la politique de contrôle routier est-elle réellement au service de la sécurité, ou répond-elle à d’autres logiques ?
La France, loin d’être championne du radar… mais pas des amendes
Contrairement à une idée répandue, la France ne figure pas dans le top 5 des pays comptant le plus de radars fixes. À l’échelle mondiale, c’est le Brésil qui domine le classement avec 18 914 radars fixes, suivi de la Russie avec 18 447 appareils. En Europe, l’Italie occupe la première place avec 11 805 radars fixes, loin devant les États-Unis (8 346) et le Royaume-Uni (7 965). La France, quant à elle, se classe en septième position avec 3 911 radars fixes, bien loin des leaders mondiaux.
Si l’Hexagone n’est pas le pays le plus équipé en dispositifs de contrôle automatique de vitesse, il se distingue par un usage particulièrement sévère de ces outils. En 2022, 21,5 millions de flashs ont été enregistrés par les radars automatiques, un chiffre qui interroge sur la logique du système. La question n’est plus tant de savoir si les radars sont utiles (leur rôle dans la réduction de l’accidentalité routière est prouvé) mais plutôt si la France applique une politique de contrôle proportionnée ou une stratégie de rentabilité dissimulée derrière l’argument sécuritaire.
Un réseau de radars stratégiquement déployé
Si la France ne possède pas le plus grand nombre de radars, elle s’est dotée d’un réseau dense et optimisé. Contrairement à d’autres pays où les radars sont concentrés sur les axes les plus accidentogènes, la stratégie française repose sur une présence diversifiée et parfois contestable.
On trouve des radars sur les autoroutes, où la vitesse excessive est moins accidentogène que sur le réseau secondaire. En parallèle, les zones à 30 km/h en ville se dotent progressivement de radars, capables de différencier les voitures des deux-roues. Les routes départementales, pourtant les plus meurtrières, ne sont pas toujours couvertes de manière homogène, laissant parfois des axes dangereux sans surveillance au profit de routes bien mieux entretenues mais plus fréquentées.
L’autre particularité française réside dans l’externalisation du contrôle routier. Le développement des voitures-radars banalisées opérées par des sociétés privées accentue ce sentiment d’injustice. Contrairement aux radars fixes, ces véhicules verbalisent en roulant, sans signalisation préalable, ce qui renforce la perception d’un piège plutôt que d’un outil préventif.
Une tolérance zéro qui questionne
Les conducteurs français sont également confrontés à une marge d’erreur quasi nulle. Là où certains pays tolèrent une marge de 5 à 10 km/h, la France applique une correction minimale : seulement 5 km/h en dessous de 100 km/h et 5 % au-delà. Concrètement, un automobiliste roulant à 51 km/h dans une zone limitée à 50 peut être verbalisé après correction.
Cette sévérité se traduit aussi par l’augmentation des petits excès de vitesse dans les statistiques officielles. En 2022, près de 60 % des infractions enregistrées concernaient des dépassements inférieurs à 10 km/h. Plutôt que de sanctionner les comportements réellement dangereux, le système pénalise avant tout les distractions ou les erreurs mineures, donnant l’impression d’un modèle davantage basé sur la rentabilité que sur la prévention.
Vers un renforcement du contrôle routier en 2025 ?
La modernisation du réseau de radars en France ne s’arrêtera pas là. Le projet de loi de finances 2025 prévoit l’installation de 4 160 radars, avec une montée en puissance des radars intelligents. Ces nouveaux dispositifs seront capables de détecter plusieurs infractions simultanément, comme le téléphone au volant, le non-port de la ceinture ou encore le non-respect des distances de sécurité.
L’objectif affiché est clair : améliorer la sécurité routière en s’appuyant sur des outils de contrôle toujours plus sophistiqués. Cette évolution pose une question d’acceptabilité. La transition vers une surveillance automatisée et omniprésente éloigne encore davantage la politique routière d’un modèle basé sur la prévention et la pédagogie.
Une politique en quête de légitimité
Si la France veut réellement renforcer la sécurité routière, il est indispensable de repenser la répartition et l’usage des radars. Aujourd’hui, l’efficacité des dispositifs est parfois occultée par leur mauvaise image auprès des automobilistes, qui y voient davantage un impôt déguisé qu’un véritable outil de prévention.
Plutôt que de multiplier les radars sur des axes déjà sécurisés, pourquoi ne pas les recentrer sur les zones réellement dangereuses ? Pourquoi ne pas accroître les campagnes de sensibilisation, comme cela se fait dans d’autres pays, afin d’inciter à une conduite plus responsable sans systématiquement passer par la sanction ?
La politique actuelle, trop axée sur la répression pure, entretient un climat de défiance entre conducteurs et autorités, un fossé qui ne cesse de se creuser à mesure que la surveillance s’intensifie.