Le 15 avril 2025, E.Leclerc a dévoilé une offensive d’envergure pour diviser de moitié ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035. Objectif : faire mieux que ses concurrents, et se hisser sur le podium des enseignes les plus vertueuses en matière de décarbonation. Michel-Édouard Leclerc n’a pas mâché ses mots : « Il nous faut décarboner toute la chaîne, du producteur au consommateur ».
Le discours s’appuie sur une réalité accablante. En 2023, les émissions globales de l’enseigne ont atteint 73,6 millions de tonnes de CO₂, dont 51 % liés aux hydrocarbures. Scopes 1, 2 et 3 sont désormais intégrés dans le calcul, en conformité avec le GHG Protocol – à l’exception notable des déplacements clients, pourtant estimés et ciblés dans les prochaines actions. Mais au-delà des mots, E.Leclerc sort les outils.
E.Leclerc mise sur les biocarburants pour verdir son image et ses pompes
En matière de carburants, le distributeur joue une carte doublement stratégique : baisser son empreinte carbone tout en séduisant une clientèle en quête de carburants alternatifs bon marché. Pour cela, l’enseigne mise sur le superéthanol E85 et surtout sur le HVO100, ce diesel synthétique issu d’huiles végétales durables, compatible avec la majorité des moteurs diesel. Aujourd’hui, 42 % des camions opérant pour les coopératives régionales de l’enseigne roulent au HVO100, carburant permettant « de réduire de moins 90 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport au diesel », peut-on lire sur CB News.
Leclerc va plus loin : un contrat d’approvisionnement vient d’être conclu avec la RATP, preuve que ce biocarburant n’est pas cantonné à un usage symbolique. Leclerc ne s’arrête pas là. L’enseigne appelle explicitement l’exécutif à « abaisser la fiscalité du biodiesel » et à « ne plus l’aligner sur celle du gazole », dénonçant un non-sens économique dans une période où les budgets sont pourtant à l’os. Et pour les automobilistes ? Les 120 centres techniques Leclerc proposeront l’installation de kits de conversion E85, visant « 10 millions de voitures éligibles » selon les estimations du groupe. Dix millions de clients potentiels, une promesse d’économie, et un bon coup de projecteur.
E.Leclerc électrifie sa stratégie avec “Charge E-Lec”
L’autre front, c’est l’électricité. Et pas n’importe laquelle : l’électricité pas chère, made in Leclerc, grâce à 3 millions de m² de panneaux photovoltaïques installés sur les sites du groupe. Une énergie produite maison, stockée, et injectée dans le réseau de bornes de recharge de l’enseigne. C’est le projet “Charge E-Lec”. Aujourd’hui, 4 300 bornes sont opérationnelles, mais Philippe Amann, président de Siplec (la branche énergie d’E.Leclerc), affiche des ambitions claires dans Caradisiac : « au moins un doublement d’ici 2030 pour atteindre 15 000 d’ici 2035 ».
Chaque implantation est pensée au millimètre : puissance, volume, prévision de flux. Et pour ne rien gâcher, l’enseigne évoque ouvertement un partenariat avec Tesla pour équiper certaines stations en marque blanche. Une alliance inattendue ou un simple ballon d’essai médiatique ? « Ce serait pour eux un nouveau débouché », commente Philippe Amann.
Un nouveau produit d’appel, comme au bon vieux temps
Ce virage énergétique n’est pas qu’une réponse à l’urgence climatique. C’est une réactivation délibérée du modèle fondateur de l’enseigne : attirer les clients par le prix du carburant, comme on déroulait jadis le tapis rouge du pouvoir d’achat à la pompe. Sauf qu’ici, l’éthanol remplace l’essence et les électrons succèdent au diesel.
« Carbon’Info », l’outil maison lancé cette semaine, s’inscrit dans cette logique. Il affichera l’empreinte carbone de plus de 6 000 produits alimentaires vendus sous les marques de distributeur comme Marque Repère, Eco+, Bio Village ou Nos Régions ont du Talent. Un pas vers la transparence, un argument pour les consommateurs soucieux de l’impact de leurs achats.