La transition vers la mobilité électrique est l’affaire de tous. Pourtant, un obstacle persiste : le prix des véhicules électriques, souvent trop élevé, freine leur adoption à grande échelle. François Gatineau, président de Mobileese, partage sa réflexion autour d’un modèle économique basé sur la location de batteries selon l’usage réel, ou « kWh à crédit ». Cette idée pourrait bien être la révolution dont le secteur a besoin.
Casser la barrière du prix
L’idée est simple : dissocier le coût de la batterie du prix d’achat du véhicule. Aujourd’hui, la batterie représente entre 25 et 40 % du coût d’un véhicule.
En remplaçant cet investissement initial par un loyer mensuel indexé sur la consommation énergétique réelle, il serait possible de réduire le prix d’achat des véhicules électriques de 15 à 20 %. Les consommateurs pourraient accéder dès à présent à des véhicules électriques au même prix que leurs équivalents thermiques. Une avancée majeure pour démocratiser l’électrique. En abaissant la barrière financière, ce modèle pourrait inciter les ménages hésitants à passer à l’électrique. Les entreprises pourraient également renouveler leurs flottes plus rapidement, contribuant ainsi à une réduction globale des émissions de CO2.
Ce système ajouterait environ 11 centimes par kWh au coût de la recharge*. Même avec cette majoration, le coût total resterait largement inférieur à celui du carburant fossile. Pour illustration, en rechargeant chez soi en heures creuses, le prix du kWh réglementé est aujourd’hui d’environ 17 centimes. Ajouter 11 centimes pour la location de la batterie reste donc indolore pour l’utilisateur tout en offrant une solution économique et durable.
Repenser le marché de l’électrique
Ce modèle ne se limite pas à une simple réduction des coûts pour les acheteurs. Il invite également les constructeurs et fournisseurs d’énergie à repenser leurs offres. En mutualisant les batteries et en optimisant leur gestion via des contrats locatifs, il serait possible d’augmenter leur durée de vie tout en réduisant leur empreinte écologique.
Les fabricants devraient alors se concentrer sur la production et la gestion efficace des batteries plutôt que sur leur vente directe. Cela ouvrirait également la voie à des partenariats avec des fournisseurs d’énergie ou des opérateurs spécialisés dans la location.
Le « kWh à crédit » ne se limite pas à une simple innovation tarifaire ; il représente une refonte complète de la manière dont nous concevons la possession et l’utilisation des véhicules électriques. En démocratisant leur accès tout en garantissant flexibilité et durabilité, ce modèle pourrait devenir un pilier central dans la transition énergétique mondiale. Reste désormais aux acteurs industriels et politiques d’en saisir tout le potentiel pour accélérer cette transformation.
*Calcul détaillé :
Selon BloombergNEF, le coût moyen du pack batterie revient à 115 € / kWh fin 2024.
Pour une batterie de 63 kWh de capacité, 440 km d’autonomie, la valeur de cette batterie est de 7245 €.
Une batterie est maintenant capable de réaliser 1500 – 2000 cycles de charge-décharge pendant sa durée de vie.
Par prudence, disons qu’elle en fera 1000 et que le véhicule électrique consomme en moyenne 0,16 kWh / km. Pour ces 1000 cycles, ce véhicule aura besoin au fil du temps de 70,4 MWh d’énergie électrique pour rouler.
Pendant tout ce temps, pour assurer sa prestation, le fournisseur du service de location de batterie à l’usage, ajoute un taux de financement margé, disons 5%.
Tenant compte de ces éléments, le coût total de financement de la batterie est un peu plus de 8200 €.
Et rapporté à l’énergie nécessaire pour cette période, on obtient un coût de financement de 11 centimes par kWh à ajouter au prix de la recharge.
Pour avoir un repère, aujourd’hui, en rechargeant en heures creuses chez soi, le prix du kWh réglementé est de 17 cts, 3 à 4 fois moins cher que le coût de l’essence pour faire le même nombre de kilomètres.
Alors avec 11 cts de location de batterie à ajouter à un tarif de recharge, c’est assez indolore pour l’utilisateur du véhicule électrique, et les véhicules peuvent être vendus 15 à 20% moins chers (le prix de leurs équivalents thermiques).