En septembre 2024, le lobby des constructeurs automobiles européens, l’ACEA, a formulé une demande officielle visant à repousser de deux ans l’application des nouvelles normes d’émissions CAFE (Corporate Average Fuel Economy), initialement prévues pour 2025. Ces normes, qui abaissent le seuil d’émissions de CO2 par véhicule à 81 g/km, imposent aux constructeurs une accélération vers la production de véhicules électriques, sous peine de lourdes sanctions financières.
Voiture électrique : l’ACEA et les enjeux des normes CAFE 2025
La proposition de l’ACEA est motivée par la récente baisse des ventes de voitures électriques en Europe, une dynamique inattendue pour les constructeurs, due en partie à la suppression des subventions à l’achat de véhicules électriques dans plusieurs pays. L’association estime que le marché n’est pas encore suffisamment mûr pour absorber le volume de véhicules zéro émission nécessaire pour atteindre les objectifs des normes CAFE en 2025. Si les constructeurs dépassent le seuil d’émissions fixé, ils risquent de lourdes amendes, calculées en fonction du nombre de véhicules vendus au-delà de cette limite.
Selon les projections de l’ACEA, ces sanctions pourraient atteindre plusieurs milliards, voire dizaines de milliards d’euros pour certains des principaux constructeurs du continent. Les objectifs imposeraient à ces derniers de renoncer partiellement à la production de modèles thermiques pour augmenter significativement la part de véhicules électriques dans leur offre, une transformation qui, d’après l’association, nécessite plus de temps que prévu. L’ACEA cherche donc à obtenir l’activation de l’article 122 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), une disposition d’urgence habituellement réservée à des crises économiques majeures. Cette procédure permettrait de retarder de deux ans l’entrée en vigueur des normes, offrant ainsi un délai supplémentaire pour les constructeurs afin de réajuster leur stratégie industrielle.
Carlos Tavares, le contrepied à la demande de report
Carlos Tavares, dirigeant de Stellantis, l’un des plus grands groupes automobiles d’Europe, s’est vivement opposé à cette demande. Lors d’une prise de parole publique dimanche 15 septembre 2024 à Chantilly, où se tenait un concours d’élégance, il a affirmé que modifier les règles à ce stade serait contraire à la logique de concurrence au cœur des politiques européennes. Pour Carlos Tavares, l’ensemble des acteurs de l’industrie a eu connaissance des nouvelles exigences environnementales depuis plusieurs années, et a donc eu tout le temps nécessaire pour s’y préparer.
Il a rappelé que Stellantis, qui compte parmi les leaders européens, a investi massivement dans l’électrification de sa flotte. Le groupe a annoncé le lancement de plusieurs nouveaux modèles électriques et hybrides pour les mois à venir, démontrant ainsi sa capacité à respecter les objectifs environnementaux sans recourir à des mesures exceptionnelles. « Nous avons les véhicules, nous avons pris les mesures nécessaires, il est donc absurde de vouloir repousser les objectifs maintenant », a-t-il déclaré.
Industrie automobile : un secteur divisé sur la marche à suivre
Cette divergence de points de vue révèle des tensions plus profondes au sein de l’industrie automobile européenne. D’un côté, certains constructeurs, comme Renault et Volkswagen, soutiennent le report demandé par l’ACEA, mettant en avant la difficulté à stimuler la demande de véhicules électriques dans un marché en contraction.
De l’autre, Stellantis, qui a quitté l’ACEA en 2022, adopte une approche plus volontariste. Carlos Tavares s’est toujours montré critique à l’égard d’un allègement des réglementations environnementales. Il soutient que les constructeurs doivent assumer leurs responsabilités et accélérer la transition vers une mobilité plus propre.
Les défis du marché de la voiture électrique en Europe
Le débat autour des normes CAFE met en lumière les défis croissants auxquels est confrontée l’industrie automobile en Europe. Alors que l’Union européenne poursuit son objectif de neutralité carbone d’ici 2050, les constructeurs doivent jongler entre des contraintes réglementaires de plus en plus strictes et des réalités économiques difficiles. Le ralentissement des ventes de véhicules électriques sur certains marchés clés, comme l’Allemagne, ajoute une complexité supplémentaire à cette équation.
Si l’ACEA parvenait à obtenir un report des normes, cela pourrait permettre aux constructeurs de gagner du temps pour adapter leurs chaînes de production et offrir des véhicules plus abordables. Cependant, pour des groupes comme Stellantis, un tel report pourrait représenter un retour en arrière.
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