La France, longtemps acteur majeur de l’industrie mondiale, a traversé une période marquée par un déclin continu de son activité industrielle. La complexité administrative et réglementaire a freiné les investissements, accentuant une désindustrialisation coûteuse en emplois et en souveraineté économique. Depuis le début de l’année, les gouvernements successifs mettent en œuvre des réformes pour simplifier les normes et relancer les projets stratégiques. Ces efforts suffiront-ils à remettre la machine industrielle en marche ?
Une désindustrialisation structurelle aux impacts lourds
La prolifération des normes administratives a considérablement alourdi les processus industriels en France. Les délais pour obtenir les autorisations nécessaires aux projets stratégiques atteignent parfois 17 mois, un handicap majeur face à des concurrents internationaux bien plus agiles. À titre de comparaison, l’Allemagne, avec des délais d’approbation moyens de 6 à 9 mois, attire une part importante des investissements industriels européens. Cette rigidité administrative a poussé de nombreuses entreprises à délocaliser leurs activités vers des pays où les procédures sont plus rapides et prévisibles.
Entre 1980 et 2020, la France a perdu près de 2 millions d’emplois industriels, un chiffre qui reflète l’érosion progressive de secteurs clés comme l’automobile, la sidérurgie et la chimie. Parallèlement, la part de l’industrie dans le PIB est tombée à 10 %, contre 22 % en Allemagne. Cette perte ne se limite pas à des chiffres : elle a fragilisé la souveraineté économique de la France. Aujourd’hui, 80 % des composants stratégiques pour les batteries électriques sont importés, exposant le pays à des dépendances étrangères risquées dans un contexte géopolitique incertain.
Des réformes ambitieuses pour accélérer le redressement industriel
Face à l’urgence, les gouvernements français ont pris certaines mesures pour alléger les charges administratives et réglementaires. Parmi elles, la simplification de la loi ZAN (zéro artificialisation nette), qui limite désormais moins strictement l’utilisation des terrains pour des projets industriels. De plus, les délais de recours environnementaux ont été réduits de 4 mois à 2 mois, freinant les pratiques dilatoires souvent utilisées par des organisations opposées aux projets industriels. Ces mesures visent à réduire significativement les délais d’autorisation, désormais estimés à 9 mois, une avancée notable bien que certains acteurs jugent cela encore insuffisant.
On peut déjà voir les bénéfices de ces réformes. Le projet de mine de lithium dans l’Allier, indispensable pour l’autonomie de la filière des batteries électriques, a vu ses délais d’instruction considérablement réduits grâce à la suppression de l’obligation de débat public. Pourtant, les obstacles subsistent : 60 % des recours juridiques déposés en France concernent des projets industriels, selon le ministère de l’Économie. Une résistance qui met en évidence la difficulté d’allier simplification et acceptabilité sociale.
Concilier simplification et écologie : un défi stratégique
Les réformes annoncées suscitent de vives réactions, notamment du côté des organisations environnementales. Ces dernières critiquent l’assouplissement des mesures de compensation environnementale, désormais réalisables dans des « délais raisonnables » après le démarrage des projets industriels. Pour ces organisations, ces ajustements pourraient affaiblir les engagements climatiques de la France, alimentant ainsi des tensions avec les défenseurs de la biodiversité.
Pourtant, une convergence semble possible. Des projets tels que FertigHy, dans la Somme, illustrent comment industrie et écologie peuvent coexister. Cette initiative de production d’engrais bas-carbone promet de réduire de 20 % les émissions de CO2 tout en créant 500 emplois directs. D’autres projets, comme le développement de l’hydrogène renouvelable ou le recyclage des matériaux critiques, montrent que les objectifs environnementaux peuvent stimuler l’innovation industrielle.