Sécurité routière : le faible pouvoir d’achat, un facteur de risque aggravant ?

Décryptages

La sécurité routière est une des priorités affichées des pouvoirs publics. Avec des campagnes de prévention chocs et un déploiement coûteux des forces de l’ordre, les résultats restent pourtant mitigés. D'autant que parallèlement, pour préserver leur pouvoir d’achat, les Français adoptent une conduite à risque en roulant sans assurance...  

La sécurité routière face à la baisse des moyens

Pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre des orientations stratégiques de l’Union Européenne pour la sécurité routière, soit diviser par deux le nombre de morts sur les routes sur la période 2015/2020, le gouvernement français a souvent opté pour des solutions onéreuses. Entre les campagnes de prévention à destination du grand public et la mobilisation des policiers et gendarmes sur l’ensemble du réseau routier, la sécurité routière représente un poste budgétaire important. Et pour cause, en 2015, 3 461 personnes sont décédées sur les routes de France métropolitaine, tandis que le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé l'objectif de passer sous la barre des 2000 morts, d'ici la fin de la décennie.

Seulement, comme le montre le rapporteur général de la commission des finances au Sénat, M. Albéric de Montgolfier, la dépense pour le programme 207 intitulé « Sécurité et éducation routières » diminue de 4,8 % par rapport à 2015 mais s'établit tout de même à 39,45 millions d'euros. Par ailleurs, le compte d’affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » représente plusieurs centaines de millions d’euros annuellement, divisés notamment entre les frais d’installation des radars, le financement du permis de conduire, de l’AFITF ou encore de la prévention de la délinquance...  Malgré les importants fonds consacrés à ces politiques publiques, le spécialiste des finances publiques constate que « ni les documents budgétaires, ni les réponses au questionnaire budgétaire ne permettent de mesurer l'efficacité, en termes de sécurité routière, de ces dispositifs ». Enfin, la réduction des dépenses publiques et la lutte contre le terrorisme limite considérablement les marges de manoeuvres.

Les automobilistes prennent des risques pour protéger leur pouvoir d'achat

Si l’on en croit une récente enquête du magazine auto-plus.fr, on assiste de surcroît à une transformation des comportements sur la route. Même si les excès de vitesse restent l’infraction la plus contestée, on observe de plus en plus d’automobilistes prendre le volant sans permis (+2,8% en 2015, 600 000 cas enregistrés) ou sans assurance (+2,2% en 2015, soit entre 350.000 et 700.000 personnes potentiellement concernées). Pour justifier cette conduite fautive, les conducteurs évoquent très souvent des raisons économiques, les délits de fuite ont d’ailleurs augmenté de 14%...

Le problème du pouvoir d’achat serait-il donc responsable des difficultés à améliorer notre sécurité routière collective ? Le 12 août, le ministère du travail révélait effectivement que « l'indice du salaire mensuel de base (SMB) dans le secteur privé en France a augmenté de 0,3% au 2e trimestre, moins vite que les prix (+0,6%) ». C’est pourquoi, quand l’INSEE annonce une hausse de 1,8% du pouvoir d’achat, 2 Français sur 3 pensent que celui-ci a diminué au cours des douze derniers mois et rogent sur tous les postes budgétaires possibles, y compris au détriment de leur propre sécurité.

La gestion des risques, une mission d'intérêt général

Décidés malgré tout à limiter les conduites sans assurances, les responsables des pouvoirs publics travailleraient à l’élaboration d’un fichier avec les compagnies d’assurance. Le délégué adjoint à la Sécurité routière, Alexandre Rochatte, résume leur ambition : « c'est premièrement obliger [à présenter] son assurance automobile quand on immatricule son véhicule et on est aussi en train de créer un fichier des véhicules assurés pour tracer plus facilement les véhicules non assurés ».

Pour les journalistes Christophe Bourroux et Clarisse Martin, face à cet enjeu de société, une intervention des autorités paraît justifiée car « en cas d'accident de la circulation, si le conducteur sans assurance est en faute, il peut être amené à payer des centaines de milliers voire millions d'euros durant toute sa vie pour indemniser la victime ».

Crédit photo : FranceTV